Marguerite

Soudain j’ai réalisé que je me moquais qu’elle soit là. Le Thalys fonçait vers Bruxelles et puis ça m’est apparu comme une évidence. Peut-être qu’il me fallait partir pour cela, renoncer à mon père adoré, renoncer à la guerre. Je m’en moque à présent. Ce n’est plus le moment de lutter, il n’y a pas de victoire à remporter. Mon père n’est pas à gagner, je l’ai déjà. La bataille se trouve sur un autre terrain, si bataille il y a…

Changement de train et je pense qu’il me faut renoncer à toutes ces choses qui ne se sont pas passées. Renoncer à anticiper et contrôler les flux.

Semaine de larmes, de sommeil, de fuite au fin fond de ma couette. Je comprends le sens du mot désespoir. Il y a un an nous parcourions les routes de France et quelque chose se nouait. Fin.

Il ne reste pas grand chose. En fait je crois qu’il faut juste que le temps passe, dans quelques semaines, tout recommencera.

Fenêtre hublot, chambre qui se répète à l’infini. Notre campus est une utopie. Semaines à écouter Air, et à découvrir le goût des Lions. A boire, beaucoup trop. Semaines de métamorphose, il se passait enfin quelque chose. « Enfantement dans la douleur » ai-je dit à ma mère aujourd’hui. Elle me bordait, et me parlait tout près.

Oui je suis contente d’être partie. Seule. Même si cela implique une certaine souffrance, même si toutes ces crises d’angoisse, même si la solitude. J’ai grandi et j’en avais besoin. J’ai compris. J’ai mis un point final à mon histoire d’amour avec mon père. Ouf.

J’apprends à respirer, je cours dans le froid plus que jamais et je cherche une présence. J’accélère, « everytime we touch » hurle Guetta, et je me sens bien. Au lieu d’anticiper, je réagis.